Eglise de l’Asomption de la Vierge de Tilloy-les-Conty

L’ancienne église

Elle était consacrée à Saint-Martin et fut sans doute bâtie vers 1580, quand la seigneurie fut achetée par le Sieur Antoine d’Halluin, et réunie à la terre de Wailly (confère la cloche Antoinette d’Halluin, datée de décembre 1593 et refondue avec une autre en 1859).

L’église actuelle

Elle a été construite vers 1760 et elle est dédiée à l’Assomption de la Vierge. La façade est en pierres, de style classique Louis XV, c’est à dire dépouillée et puisant son inspiration dans les styles d’archi- tecture de l’Antiquité romaine ou grecque. Le bâtiment ne comporte qu’une seule travée, qu’en langage d’église on appelle « nef » du fait de la similitude de très nombreux plafonds d’église avec des ca- rènes des bateaux anciens (navire en latin d’où nef).

Signification d’un maître autel

Le maître autel, dans une église, constitue l’objet principal du culte. Dans le Moyen Orient, les premiers autels, plus de 1800 ans avant Jésus Christ, étaient formés de pierres levées jamais taillées (sinon, on aurait profané l’œuvre divine en la marquant du sceau humain). Ils étaient souvent érigés en mémoire d’une apparition divine (confère Genèse, chapitre 33, verset 20) et devenaient lieux sacrés de la présence divine. Plus tard, toujours au Moyen Orient, ils furent imposants en hau- teur, jusqu’à 7 m, et à 3 niveaux. Au palier intermédiaire, là où com- mençait le troisième niveau, le prêtre, qui y avait accédé par une rampe, brûlait les sacrifices : Les bêtes consumées par le feu et la fumée qui montait vers le ciel symbolisaient une autre réalité de la vie, à savoir une communion de nouveau rétablie avec Dieu (la des- truction et la purification par le feu d’un être vivant autre que soi accomplissait le jugement de Dieu concernant la faute ; la fumée, qui s’élevait, représentait le passage dans un autre état au ciel. Quelques siècles après Jésus Christ, l’avènement du catholicisme ne retient qu’une partie de sa signification, à savoir la forme : l’élé- vation, la hauteur du monument auquel on accédait par une rampe (« altare » en latin, c’est « monter » d’où en français « autel »).

Le maître autel de Tilloy

De style Louis XVI, il est en bois sculpté, d’une facture un peu gros- sière, ainsi que les boiseries qui l’accompagnent. Un agneau sur un livre. Dans l’Apocalypse, la dernière par- tie de la Bible, il est plusieurs fois fait mention d’un livre cacheté par des sceaux, représentation du jugement dernier, et d’un agneau, sym- bole de la pureté de Jésus Christ, le fils de Dieu, mort sur la croix pour assumer  a notre place le jugement de nos fautes. Des chérubins encadrent le tabernacle. Ils symbolisent les anges, au service de Dieu et messagers entre lui et les hommes. Des corbeilles de fruits stylisés les surplombent. Ils évoquent la promesse divine de donner du fruit aux bonnes œuvres des hommes. Au-dessus, deux autres anges en adoration rappellent qu’il y a au ciel plusieurs classes d’anges

Au niveau supérieur, la statue de la Vierge Marie à l’enfant montre la primauté et l’importance de Marie, mère de Dieu (mère de Jésus Christ) comme médiatrice entre Dieu et les hommes. Elle sym- bolise l’Eglise catholique. Tout en haut, la voûte de l’église est peinte. Au centre, un triangle équilatéral irradiant ses rayons image la Puissance de Dieu à l’œuvre dans le monde –et, notamment ici, au travers du culte de la messe catholique.

Les six cierges sur l’autel

Leurs lumières symbolisent à la fois : Jésus Christ, lumière du monde, le Saint Esprit éclairant l’âme du chrétien, ses bonnes œu- vres rachetant et construisant le monde. D’après le rituel romain de l’époque, les prêtres de paroisse n’avaient droit qu’à deux cierges de chaque côté du tabernacle (soit quatre) et trois cierges (six en tout) uniquement lors des grands- messes. Les dignitaires de l’église, notamment les évêques, arche- vêques et le pape, disposaient à demeure de six cierges sur l’autel. En plus, dans leur église cathédrale, ils mettaient un septième cierge au-dessus du tabernacle, le chiffre sept symbolisant la plénitude de la lumière et du don de l’Esprit qui leur avaient été conférés par Dieu.

Le lutrin

A gauche de l’autel quand on entre, et à droite du prêtre lorsqu’il se tournait vers ses fidèles, se trouve un magnifique lutrin également de style Louis XVI (1780-1790). 

Le mot « lutrin » vient du latin populaire « lectrinum » dérivé de « lectrum » : « pupitre ». C’est là qu’on apposait le livre du rituel et que le prêtre lisait la Parole de Dieu. Le grand livre posé dessus est le vespéral romain imprimé en 1853 selon l’ordre de l’évêque d’Amiens de Salinis. Ce livre liturgique reprend les consignes du Concile de Trente (1545-1563) face à la montée du protestantisme. 1853 correspond à la forte montée de l’ultramontanisme dans l’Eglise de France : si, auparavant, celle-ci était gallicane, nationale, au milieu du 19ème siècle, elle s’ouvre définitivement à Rome et adopte ses rites, ses traditions, notamment… ses « Suisses » gar- diens des lieux de culte.

Ce splendide lutrin a pour motif un aigle. Son vol majestueux et puissant en a fait, dans notre culture, le roi des oiseaux. Dans Deu- téronome, Moïse compare Dieu à un aigle conduisant son peuple et le protégeant des dangers : c’est que là bas, entre le désert du Sinaï et la Mer Morte, une sorte d’aigle transporte ses petits sur son dos, d’aire en aire, à la recherche de pitances… La vie de l’aigle est assez longue pour que, dans le passé, on ait cru qu’il avait le pouvoir de se régénérer périodiquement. Aussi, on en fait un symbole du pouvoir de la Parole de Dieu, capable, dans tous les siècles, de changer le cœur et la vie des hommes. Par ailleurs, l’apôtre Jean commence son évangile en décrivant Jésus Christ lumière du monde et parole de Dieu, capable de changer les cœurs. Le même apôtre, auteur de l’Apocalypse, reprend les images de l’aigle pour montrer la force et la puissance de Dieu. Tout cela a fait que cet oiseau symbolise, dans le catholicisme, le pouvoir régé- nérant de la Parole de Dieu.

Le reliquaire de Sainte Romaine

En 1853, l’Empire français de Napoléon III est dans les meilleurs termes avec le Saint Siège. Il se concilie les catholiques de la na- tion. En retour, le pape a besoin d’un soutien de la France pour faire face à la montée en Europe du laïcisme, des nationalismes et aux menaces de plus en plus sérieuses du royaume du Pietmont-Sar- daigne contre l’Italie papale. La même année, l’évêque d’Amiens, Antoine de Salinis, de retour de Rome, apporte de la ville éternelle quantité d’ossements des cata- combes qu’on dit être de Sainte Theudosie, Sainte Romaine et au- tres martyrs de la foi… Pour galvaniser ses fidèles et en réponse à leurs demandes, il distri- bue les reliques dans les paroisses, à charge pour elles de payer leurs reliquaires. Cette châsse – qui renferme un crâne découpé en deux parties et des fragments d’os – nous fait sourire. Mais à l’époque, le Conseil de Fabrique (l’association locale gérant les biens de la paroisse) fai- sait, en l’achetant, preuve de progrès car dans toute la France, l’ad- ministration gouvernementale soutenait l’industrialisation des manufactures et notamment celles qui promouvaient le néogothique industriel. En même temps, la hiérarchie catholique insufflait à tra- vers ce néogothique un renouveau de la foi et des arts chrétiens. Ainsi, avoir une châsse néogothique, comme celle qu’on pouvait voir dans les revues historico-archéologiques, était signe de dyna- misme spirituel et de modernité. Aujourd’hui, bon nombre de nos communes en possèdent plusieurs. Sainte Romaine, dont la fête était fixée au 23 février, était une vierge légendaire romaine : elle aurait vécu en solitaire dans une caverne sur les bords du Tibre jusqu’à sa mort à 18 ans.

La bannière

Trouvée dans un grenier et restaurée grâce à la générosité d’une fa- mille, cette jolie bannière témoigne de la foi des habitants de Tilloy, il y a encore 50 ans. Lors des processions, les gens se rangeaient derrière l’étendard, qui représentait une jeune femme – la Vierge ou Sainte Romaine. La procession de la Vierge avait lieu le 15 août. Les rues étaient jon- chées de feuillages, verdures et fleurs. Toutes les filles étaient ha- billées de blanc. L’une d’elles, pour sa bonne conduite, était élue pour porter la bannière. D’autres jeunes gens, toujours pour leur comportement, étaient choisis pour porter la statue de la Vierge écra- sant le serpent, sur un brancard richement décoré. Quatre autres te- naient un brancard portant la croix. Le curé et les enfants de chœur marchaient derrière, revêtus de leurs plus beaux ornements liturgiques, chasubles et surplis. Venaient en- suis le maire, l’instituteur, puis les membres du conseil de fabrique, les « Suisses », le conseil municipal et les autres habitants. On processionnait ainsi à travers le village et le terroir durant toute la matinée, chantant et psalmodiant des prières pour le succès de la moisson et le rachat des fautes de la nation. Quelques arrêts – à des calvaires garnis de fleurs – étaient l’occasion de se reposer et de prier précisément pour des sujets particuliers.

A la découverte de 4 églises du canton de Conty Syndicat Mixte Pays de Somme Sud Ouest – mars 2002 Pierre HOLVOET