Manoir de Tilloy-les-Conty

Ce manoir qu’on pourrait qualifier de maison de campagne de no- tables de la deuxième moitié du 18ème siècle, appartenait à une famille du nom de Boullet (parmi laquelle on trouve Sainte Colette de Corbie) à la fin de l’Ancien Régime. Il est situé en bordure d’une place allongée qui comportait au 19ème siècle deux mares.

Ces maisons de campagne, appelées aussi maisons de plaisance, étaient l’expression d’une mode appliquée à un changement de vie des classes aisées qui recherchaient dans le courant du 18ème siècle le confort à la campagne en même temps que la découverte de la nature, chère à ce siècle, préoccupation qui n’empêchait pas celle d’exploiter des biens en terres. Or, les découvertes archivistiques ont permis de savoir que cette maison de campagne a bien succédé à un autre édifice, type manoir implanté sur une propriété de caractère agricole.

Les propriétaires du manoir

Charles-Marie Boullet de Varennes (1792-1852), avocat au barreau d’Amiens, Pair de France, premier Président de la Cour d’Amiens, marié à Virginie de Bray est propriétaire du manoir après l’avoir racheté à son frère aîné, mort jeune. Il le tient probablement de ses pa- rents, Jean-Baptiste Boullet, avocat aussi au barreau d’Amiens, et Marie-Thérèse Jourdain de Canessières, sa femme. Si ceux-ci étaient propriétaires du manoir, ils ont au moins été témoins de sa construction, s’ils n’en ont été les commanditaires. La famille Boullet re- monterait à celle dont faisait partie Sainte Colette Boylet (Boullet), née à Corbie en 1381, et un certain Claude Boullet, écuyer, seigneur de Varennes et de Vignemont, vivant en 1633 à Amiens, époux de Marthe de Cordelles, flamande d’origine espagnole, dont Monsieur de Carné-Marcein dit qu’ils habitaient Tilloy. Leur fils, François (1692-1772), époux de Marie-Jeanne Thérèse Pinguet, est le père de Jean-Baptiste Boullet. La succession de la propriété ensuite au 19ème siècle se fait par les femmes. Virginie de Bray, veuve, transmet cette maison à sa petite- fille, Marie-Virginie d’André (1848-1928), fille de Charlotte Su- zanne Boullet de Varennes (1822-1857) et de Jean-Marie Armande d’André, qui épouse vers 1871 le comte Louis-Georges d’Emmery, comte romain, petit-fils de Jean-Marie Emmery, commissaire des Guerres (mort en 1843) et petit-neveu de Jean Louis Emmery, avocat à Metz, député aux Etats de 1789, sénateur et comte d’Empire. Leur fille, Louise, se marie avec le marquis de Négroni. Leur fils, Pierre-Jean de Négroni (1906-1960) et son épouse, Marie-Thérèse Patas d’Illiers, ont trois enfants, dont une Barbara, propriétaire du manoir de Tilloy qu’elle vend en 2002 à M. et Mme Benoist.

L’architecture du manoir

Le manoir de plan rectangulaire est coiffé d’un toit à quatre versants en ardoise sur une charpente en bois chevillée. Le gros œuvre, ainsi que les cloisons intérieures, est en briques et pierre, la pierre blanche

constituant seulement un parement sur les quatre façades. A l’inté- rieur, les maçonneries en brique et pierre, la pierre des murs-cloisons sont dissimulées derrière une sorte de paillis.

L’architecture extérieure montre un certain raffinement et excellence dans son exécution. Les assises sont régulières. L’appareil, reposant sur des fondations en brique, est en pierre de taille aux joints presque vifs. Le décor, peu exubérant, est tout à fait dans la ligne de l’archi- tecture classique. Un avant-corps sur chacune des façades principales, côté cour et côté jardin, se répond symétriquement quoique avec des différences. Les avant-corps qui occupent trois travées sur sept, ont une très faible épaisseur. Ils réunissent une porte d’entrée avec perron entourée d’une baie d’un côté, et un ensemble de trois ouvertures dont une porte centrale donnant sur un large perron, accessible par quatre marches de l’autre côté. Les ouvertures des avant-corps au rez-de-chaussée, pourvues d’une clef-agrafe, sont inscrites en creux et les décors sont simplifiés avec des moulures qui soulignent le cintre des baies, et les relient entre elles. Les fenêtres ont en revanche des ouvertures rectangulaires marquées par la même agrafe et un appui de fenêtre saillant. L’ensemble d’une grande simplicité est harmonieux et témoigne d’une architecture de qualité.

L’intérieur est également intéressant, même s’il a souffert d’un abandon momentané et de négligence. Le dispositif respecte le principe de symétrie adopté dans les demeures classiques, les fenêtres et les portes se répondant de façade à façade. Ainsi en entrant dans le hall, le regard se porte vers la baie du grand salon qui s’ou- vre sur le parc et au-delà vers la grande allée des tilleuls jusqu’à la route de Beauvais. Le hall d’entrée, pavé de carreaux noirs et blancs, est central. S’y trouve l’escalier tournant suspendu qui dessert l’étage et l’accès à la cuisine, au grand salon et à la bibliothèque. Du hall également se trouve l’accès à la cave, sous l’escalier : cette cave comporte deux pièces voûtées en berceau en brique et pierre al- ternées. 

Le château de Tilloy-les-Conty, 13 place de la Liberté, façades et toitures, le hall d’entrée, ses 2 paliers et escaliers, ainsi que son parc en totalité, sont inscrits sur l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques depuis le 19 juillet 2004, à la demande des propriétaires actuels, Monsieur et Madame BENOIST.

Les dépendances : l’ancienne ferme

La forme de la parcelle, indépendante des parcelles du manoir, parallèle à celles qui lui sont voisines et orientée vers la place, ainsi que la disposition des bâtiments de la ferme, font penser qu’elles ont préexisté au manoir. Le corps de ferme est une petite maison aux pignons en pierre et brique et le reste en torchis, typiquement picarde dans la conception. Les anciennes étables ou pou- lailler ont disparu. Il ne reste que la cave voûtée.

Cette maison de campagne disposait d’une petite ferme bien modeste, tout juste nécessaire à la vie quotidienne du manoir. Des terres cependant étaient attachées à cette propriété.

Le parc

L’aménagement du parc du 8 hectares date probablement du dernier quart du XIXème siècle. Entouré de pelouses, dont la pelouse centrale côté est, ceinturée d’une allée tournante, le manoir s’ouvre sur cette grande allée axiale, bordée d’une double rangée de tilleuls plantés en quinconce. De ce côté, le parc est complètement boisé et comprend des allées nouvelles s’ordonnant autour d’une étoile située au nord-est. Les espèces sont variées puisqu’on trouve non seulement des tilleuls mais aussi des chênes, des hêtres, des charmes, des frênes et des marronniers, enfin quelques pins sylvestres du côté de l’entrée et un beau genévrier non loin d’une autre grande allée moins longue dans l’axe du pignon nord du manoir.

 

Malheureusement le Manoir a été ravagé par un incendie le 12 mai 2013